Text by Boris Vian: A tous les enfants qui sont partis le sac à dos/
Par un brumeux matin d'avril/
Je voudrais faire un monument/
A tous les enfants qui ont pleuré le sac au dos/
Les yeux baissés sur leurs chagrins/
Je voudrais faire un monument/
Pas de pierre, pas de béton, ni/
de bronze qui devient vert sous la morsure/
aiguë du temps/
Un monument de leur souffrance/
Un monument de leur terreur/
Aussi de leur étonnement/
Voilà le monde parfumé, plein de/
rires, plein d'oiseaux bleus, soudain/
griffé d'un coup de feu/
Un monde neuf où/
sur un corps qui va tomber/
grandit une tache de sang/
Mais à tous ceux qui sont restés les pieds/
au chaud, sous leur bureau en calculant/
le rendement de la guerre qu'ils ont voulue/
A tous les gras, tous les cocus qui/
ventripotent dans la vie et/
comptent et comptent leurs écus/
A tous ceux-là je dresserai le monument/
qui leur convient avec la schlague avec/
le fouet, avec mes pieds, avec mes poings/
Avec des mots qui colleront sur leurs/ faux-plis, sur leurs bajoues, des marques/
de honte et de boue.